Les coraux et les éponges d’eaux profondes forment des habitats essentiels où divers organismes marins peuvent trouver refuge, se reproduire et se nourrir. Ils jouent un rôle majeur dans le fonctionnement des écosystèmes benthiques en améliorant les niveaux d’oxygène et le cycle des nutriments, soutenant ainsi les zones riches en biodiversité. Leur contribution au bon fonctionnement de leur écosystème dépend non seulement des espèces de coraux et d’éponges présentes dans celui-ci, mais aussi de la taille et de la composition des communautés. Par exemple, les individus (coraux ou éponges) de plus grande taille auraient un impact plus important sur leur écosystème en produisant davantage de nutriments et de carbone par la respiration. Malgré leur grande contribution aux habitats marins, les coraux et les éponges sont des organismes fragiles. Lorsqu’ils sont endommagés, leur vitesse de rétablissement est lente, ce qui rend leur protection particulièrement importante.
Dans cette étude, Johanne Vad et ses collègues ont présenté une méthode appelée « profils d’abondance cumulative » (CAP), qui combine l’abondance des espèces et la taille des individus afin de mieux comprendre la structure des communautés de coraux et d’éponges des eaux profondes. Cette approche leur a permis d’étudier, les variations de la composition et de la taille des communautés de coraux et d’éponges ainsi que les facteurs environnementaux déterminants. L’équipe a recueilli des images prises par une caméra sous-marine lors d’une campagne océanographique près de Saglek, au nord du plateau du Labrador. Ces images ont permis d’identifier l’abondance des coraux et des éponges observés, puis d’estimer la taille de ces individus en se basant sur la surface visible dans les images. En combinant les données sur l’abondance et la taille, les scientifiques ont construit des profils d’abondance cumulative et appliqué une analyse par grappes pour identifier trois assemblages de communautés distinctes. Ils ont également estimé le renouvellement du carbone organique pour chaque assemblage en utilisant les taux de respiration mesurés afin de relier les caractéristiques de la communauté à la fonction de l’écosystème.
L’étude a révélé que la géomorphologie des fonds marins, telle que le type de substrat et la forme du terrain, détermine l’emplacement de ces grands assemblages. L’oxygène dissous a été identifié comme un facteur clé influençant la composition des communautés, tandis que la vitesse des courants limitait la structure de taille. Il est à noter que les assemblages dominés par de grands individus présentaient un renouvellement du carbone estimé plus élevé, ce qui renforce l’idée que les grands organismes ont une plus grande influence sur le fonctionnement des écosystèmes.
Du point de vue de la conservation, les auteurs soulignent que la compréhension de la composition des espèces ne suffit pas à elle seule. La taille et la composition de ces communautés sont tout aussi importantes, tant pour leur rôle écologique que pour leur vulnérabilité aux perturbations. Les caractéristiques environnementales et géomorphologiques telles que le substrat, le relief des fonds marins, les courants et les niveaux d’oxygène doivent être prises en compte lors de l’évaluation des habitats en eaux profondes et de la prévision de leur réponse au changement. Enfin, l’étude suggère que la protection des zones où prospèrent les grands individus pourrait être essentielle au maintien des fonctions écosystémiques dans les environnements marins profonds. L’approche des « profils d’abondance cumulative » (CAP) s’avère être un outil prometteur pour relier les modèles de biodiversité aux processus écosystémiques dans les eaux profondes des océans.