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La recherche collaborative au Nunatsiavut mène à des découvertes riches sur le plan biologique.

Guidée par les connaissances locales du Nunatsiavut, une équipe de scientifiques multidisciplinaire de l’expédition Amundsen 2022 a pu observer une zone riche en biodiversité de la côte du Labrador. Le site, une falaise sous-marine baptisée « Joey’s Gully » (d’après le nom du pêcheur local Joey Angnatok qui en a deviné la présence), a été exploré à l’aide du véhicule téléguidé (ROV) d’Amundsen Science nommé ASTRID depuis le navire de la Garde côtière canadienne (NGCC) Amundsen.
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Les océanographes, les écologistes et les biologistes ont bénéficié de la collaboration des communautés locales dans le cadre de leurs recherches sur la côte du Labrador. David Côté est écologiste au ministère des Pêches et des Océans du Canada. Il dirige des projets de recherche tels qu’ISICLE et ICECOLD afin de caractériser et de comprendre davantage les écosystèmes côtiers et marin de la mer du Labrador. Sa collègue, Barbara de Moura Neves, est une scientifique du même ministère qui étudie les écosystèmes benthiques, en particulier les coraux et les éponges. Au cours de leur carrière, ces scientifiques ont travaillé en partenariat avec des représentant.e.s du gouvernement du Nunatsiavut et des membres des communautés inuites, y compris des pêcheurs. David et Barbara ont également menés d’importants travaux de recherche à bord du NGCC Amundsen au cours des dernières années

Plus récemment, les programmes de recherche à bord du NGCC Amundsen se sont notamment concentrés sur l’exploration de la diversité des espèces vivant au fond de l’océan, que l’on appelle les espèces benthiques. Certains programmes de recherche ont permis de mettre en lumière des habitats sensibles et fragiles dans le domaine côtier et des fonds marins, tandis que d’autres programmes étaient orientés sur la caractérisation des organismes marins vivant à la surface et dans les profondeurs de l’océan. Lors de l’expédition Amundsen 2021, David et Barbara ont rejoint une équipe de scientifiques et des membres d’une communauté locale du Nunatsiavut pour localiser des zones dans les mers du Nord où ils pourraient trouver des espèces de coraux moins fréquemment rencontrées. Plus spécifiquement, c’est grâce à leurs discussions avec des pêcheurs locaux, et plusieurs séries de planification que l’équipe scientifique a pu identifier des zones géographiques riches en termes de biodiversité et où se trouvent des espèces benthiques intéressantes. De multiples plongées dans la mer du Labrador et la baie de Baffin ont ensuite été planifiées cette année-là. D’autres plongées ont aussi été reportées et planifiées pour l’année suivante, soit lors de l’expédition Amundsen 2022.

Par ailleurs, Amundsen Science s’est associé au gouvernement du Nunatsiavut et au Centre de recherche du Nunatsiavut afin de soutenir la mise en œuvre de la Stratégie nationale inuite sur la recherche (SNIR) et pour aider à mieux comprendre les écosystèmes marins et côtiers le long des côtes du Nunatsiavut.

Deux employées et scientifiques du Centre de recherche du Nunatsiavut, Michelle Saunders et Carla Pamak, ont ainsi rejoint l’équipe multidisciplinaire de scientifiques à bord lors du premier Leg de l’expédition Amundsen 2022. Elles ont pu contribuer aux opérations scientifiques et à l’échantillonnage à bord, mais elles ont aussi permis d’accroître la coproduction des connaissances scientifiques au sein du programme Amundsen Science en incluant davantage des projets de recherche menée par les Inuits et en stimulant l’engagement des membres de la communauté inuite envers les recherches sur l’Amundsen. De plus, Michelle et Carla ont organisé plusieurs ateliers culturels à bord du navire tout au long de ce Leg afin de sensibiliser à la culture inuite, à leur histoire et à l’importance des travaux scientifiques en cours dans la mer du Labrador et sur les côtes du Nunatsiavut. Cette démarche collaborative s’est conclue avec une visite du site historique national de la mission Hebron pour les scientifiques et les membres de l’équipage du NGCC Amundsen.

Ce partenariat était ainsi élémentaire puisqu’il a permis de diriger des équipes scientifiques vers des sites spécifiques le long de la côte du Nunatsiavut afin d’étudier des zones d’importance culturelle et potentiellement écologique. D’ailleurs, Michelle et Carla connaissait très bien le pêcheur local Joey Angnatok qui a conseillé les équipes scientifiques de l’Amundsen pendant plusieurs années et qui leur a recommandé d’étudier l’un de ses anciens sites de pêche, que les scientifiques ont ensuite nommé « Joey’s Gully » (le ravin de Joey).

Cette carte du Nunatsiavut montre le transect effectué par le NGCC Amundsen en 2022, y compris le site de plongée des jardins suspendus de Makkovik, le site de plongée de Joey’s Gully et la mer du Labrador.

Travailler avec ASTRID et contribuer aux connaissances locales

L’équipe scientifique, incluant les scientifiques du Centre de recherche du Nunatsiavut, le personnel qualifié d’Amundsen Science et les membres d’équipage du NGCC Amundsen, a ainsi organisé plusieurs plongées sur l’ancien site de pêche de Joey Angnatok lors du Leg 1 de l’expédition 2022. En raison de la profondeur du site, situé à plusieurs centaines de mètres sous la surface de la mer, ainsi qu’à la rugosité du fond et de la présence potentielles d’espèces menacées, l’équipement phare d’Amundsen Science a été utilisé pour explorer la zone : le véhicule télécommandé sous-marin ASTRID.

Le véhicule télécommandé sous-marin et ce que cette technologie peut accomplir jouent un rôle crucial dans l’étude des communautés benthiques sensibles. En effet, le véhicule télécommandé sous-marin contribue à la collecte de données liées aux initiatives de conservation marine existantes ou prévues et à trouver et décrire des zones de grande importance écologique qu’il peut être difficile d’explorer avec d’autres méthodes. Il est important de noter que le véhicule télécommandé sous-marin est moins invasif que les méthodes d’échantillonnage traditionnelles (par exemple, les chaluts), qui peuvent souvent endommager les environnements benthiques fragiles. L’objectif principal de ce projet étant d’étudier les zones potentielles à haute valeur de conservation le long de la côte du Nunatsiavut, ASTRID et ses instruments non invasifs, y compris les caméras sous-marines à haute définition, étaient parfaitement adaptés à la mission. ASTRID est également équipée de deux bras robotiques qui peuvent récupérer des échantillons, ce qui permet de manipuler des organismes vivants et d’autres échantillons fragiles avec une grande précision et avec soin.

Une plongée à Joey’s Gully (12 septembre 2022)

Le 12 septembre 2022, le véhicule ASTRID a entrepris sa première plongée de l’expédition et a été déployé en profondeur pendant plus de quatre heures pour enregistrer des images et collecter des échantillons. À 379 mètres de profondeur, dans une zone de sédiments mous, ASTRID a pu collecter plusieurs échantillons de sédiments et une éponge d’eau profonde dans le cadre d’un projet d’une étudiante au doctorat. Alors que la plongée se poursuivait, le véhicule ASTRID a effectué une surveillance vidéo d’un grand mur sous-marin où une riche communauté de faune benthique se trouvait.

Alors qu’ASTRID atteignait le fond marin et que l’exploration se poursuivait normalement, nous n’avions pas encore eu d’indices nous laissant croire qu’on découvrirait une zone riche en termes de biodiversité. Ce n’est qu’une heure après le début de la plongée que nous avons surpris un nuage de crevettes rouge vif et un mur de morues de l’Atlantique. Les scientifiques ont alors identifié des anémones de mer, des coraux mous et des éponges incrustées alors que nous naviguions dans une colonne d’eau épaisse dans laquelle baignaient aussi des morues et du krill

Christopher Morrissey

Professionnel en robotique marine chez Amundsen Science

Outre la grande diversité d’espèces retrouvées dans cette zone, Joey’s Gully s’est distingué par la grande abondance de certaines espèces comme les étoiles de mer. Des nuages de krill aux bancs denses de morues de l’Atlantique affamées, cette plongée a été un moment fort pour l’équipe de recherche.

Nous n’étions pas certains de ce que nous allions trouver lors de cette plongée. Nous avions prévu d’étudier des zones avec un fond marin complexe et probablement un riche habitat benthique, mais nous avons été captivés par la façon dont le Joey’s Gully faisait équipe avec la vie marine. Ce fut l’un de mes moments préférés de la mission et je suis certaine que d’autres partagent cet avis

Bárbara de Moura Neves

Ph.D. Chercheurs scientifiques, Pêches et Océans Canada

Au total, quatre plongées avec le véhicule télécommandé sous-marin ASTRID ont été effectuées à trois endroits sur les anciens sites de pêche de Joey Angnatok au cours du Leg 1 de cette année 2022. Des images haute-définition ainsi que 38 échantillons biologiques, de sédiments et d’eau de mer ont été prélevés au cours de ces plongées.

La plongée de Joey’s Gully est un exemple des nombreux moments phares vécus lors de l’expédition Amundsen 2022. En réunissant les connaissances des communautés locales du Nunatsiavut, l’innovation technologique et la science marine, une équipe multidisciplinaire a été en mesure de mieux comprendre les écosystèmes des océans du Nord canadien tout en incluant davantage le savoir local et en sensibilisant tout un équipage à l’histoire et la culture inuites.